De son écriture sensible, Gaëlle Josse capte à merveille la complexité des liens de filiation dans ce huis-clos tout en tension où le silence et les non-dits nés de traumatismes apparaissent comme les maîtres silencieux des destins familiaux. Récit sur 4 jours d'une ultime rencontre familiale à l'heure où la mémoire vacille, La nuit des pères exprime avec pudeur et beaucoup de justesse la souffrance d'un homme fracassé par la grande Histoire. Un roman sans pathos, mais très touchant, au dénouement apaisé et apaisant.
Le nombre 7 plane sur ce huis-clos à suspens qui ausculte la société anglaise de l'après-guerre dans un hôtel désargenté de Cornouailles le temps d'une semaine de vacances. Qui seront les 7 résidents incarnant les 7 péchés capitaux qui périront dans l'éboulement d'une falaise ? Avec un humour piquant, Margaret Kennedy dresse une galerie de portraits plus exquis les uns que les autres, et au-delà des rapports de classe, montre les rapports de force exacerbés par le traumatisme de la guerre et la peur des privations. Une intrigue sophistiquée, drôle et savoureuse, au charme anglais irrésistible.
A travers ce beau portrait d'adolescent à la recherche de son père disparu dans un naufrage, Chiara Carminati livre un roman d'aventures palpitant marqué par les soubresauts de l'histoire, de la Croatie à l'Italie en passant par l'Afrique du Sud, et une réflexion sensible sur l'exil et le déracinement. A partir de 13 ans
Direction l'Ohio au 19 ème siècle pour une chevauchée à bride abattue au temps des grandes inventions, avec en toile de fond l'immensité de la nature sauvage américaine. Un grand roman d'aventures aux allures de western où l'on s'attache dès les premières pages à Silas, adolescent déterminé à retrouver son père enlevé par des hors-la-loi avec l'aide d'un marshal et surtout de son inséparable ami imaginaire Mittenwool. Une odyssée à l'image de celle de Télémaque (souvent cité) et le récit intime d'un enfant face au monde, uni par un lien magique avec son cheval. Rebondissements et émotions assurés jusqu'au dénouement bouleversant.
A partir de 11 ans
Texte hybride mêlant récit et poèmes. Hollie McNish nous offre un moment de lecture touchant, drôle, intelligent, poétique, sans tabou avec une langue fleurie, sensible, et une spontanéité réjouissante.
Elle évoque sa complicité avec sa grand-mère, les turbulences de l'adolescence, la sexualité dont elle parlait beaucoup avec sa grand-mère comme dans ce livre, le genre. Un texte très contemporain dans la lignée des écrits de Diglee, Maggie Neson, Kae Tempest.
Poétesse, Sophie G.Lucas tod, brise, enroule les phrases, essaimant les éclats de vies, sonores et incarnés; l'arbre généalogique de huit générations se dessine, des vies traversées par l'Histoire et les soubresauts économiques et industriels.
Un premier roman remarquable innervé de poésie qui influe la vie au fil de ses pages.
Antoine Philias portraitise à merveille "les petites gens" qui font tourner notre "petit" monde, discrètement, anonymenent dans ce nouveau roman au phrasé rythmé et vivant. La justesse sans pathos ni sensiblerie avec laquelle l'auteur retranscrit une réalité sociale est remarquable et abordé avec un humour qui souligne spontanément des situations familières.
Une lecture réjouissante pleine d'humanité.
Subtilement, Lilia Hossaine trame une intrigue divertissante qui implique le lecteur dans un questionnement essentiel sur l'instauration de mesures radicales sous couvert du bien collectif et éveille ainsi l'attention sur les vraies/fausses vertus.
Territoire à la beauté rude, le Jura est la source intarissable d'inspiration des fictions de Pierrick Bailly qui sans effet de style, avec justesse, sensibilité et simplicité, raconte la vie de ceux qui y vivent à travers des portraits saisissants de réalisme. Des êtres qui agissent avec le cœur, laissant les sentiments guidés leurs actes au risque de se perdre. Une profonde humanité se dégage de ce roman où l'on observe touchés par leur sincérité, les personnages lier leur destin pour le meilleur et pour le pire.
"Au collège, quand les premiers jours de l'année les profs nous demandaient quel travail on voulait faire plus tard, je ne répondais pas contrebandier mais plus modestement berger. Une fois, un prof a lu ma petite fiche à voix haute, et il a ajouté : 'Un beau métier, berger, mais il va falloir trouver autre chose, parce que ça n'existe plus.'
Ça serait marrant qu'il vienne pleurnicher ici avec sa gourde vide, celui-là.
Il aurait du mal à me reconnaître derrière ma barbe et sous mon gros bonnet."
Dominique Barbéris a l'art de donner de l'éclat aux vies muettes et de tisser des histoires de rencontres fugitives où la tension monte imperceptiblement.
De Nantes à Douala, au temps du protectorat français, elle dresse un superbe portrait de femme discrète, silencieuse et secrète dont le passé surgit des années plus tard des archives familiales. Explorant les thèmes du hasard des rencontres et de la transgression, elle saisit à merveille le trouble naissant et confère à son personnage une part de mystère à laquelle fait écho l'atmosphère camerounaise.
« Peut-être que le silence est une façon d'aimer . »
« Sophie a reconstitué une partie de ce qui s'est passé. Il y a des trous bien sûr ; plus de témoins. La mort elle-même fait un trou terrible. Et ma tante n'est pas du genre à se confier, par nature. C'était de sa génération, ce silence ; une question d'éducation.
Mon père aimait Douala, m'a dit Sophie, il était attaché à ce passé ; il me racontait des souvenirs ; ma mère, très peu. Elle n'a rien laissé. Sauf ce qui est dans cette enveloppe […] Elle était belle et timide. Mon père l'aimait comme ça.
- Je pense, a dit lentement Sophie, que mon père l'aimait sans mesure.
Nous avons laissé le mot retomber en nous ; il nous coupait le souffle. Soudain, Sophie a continué : il lui a pardonné. Il lui pardonnait tout ; c'est souvent comme ça dans les couples. Il y en a un qui pardonne et qui accepte. En même temps, si on devait dramatiser ce genre d'histoires (elle a souri) tout le monde se séparerait. Tu ne crois pas que nous avons toutes nos secrets ? »
Richement documenté, Vous Dona Gracia ravira les amateurs de biographies historiques romancées. L'écriture alerte de Michèle Sarde en rend la lecture très agréable et permet de découvrir cette femme exceptionnelle au destin qui ne l'est pas moins et à laquelle peu de travaux de recherches ont été consacrés.
Un souffle épique puissant traverse sans faiblir ce roman d'amour flamboyant qui explore avec beaucoup de sensibilité les thèmes de l'enfance et de l'amitié, et les expériences humaines fortes. Sous sa plume très cinématographique, Jean-Baptiste Andrea fait naître des tableaux à l'atmosphère intense où évoluent des personnages à la vitalité incroyable. Des vies traversées par l'art, omniprésent.
« Il Francese. J'ai toujours détesté ce surnom, même si l'on m'en a donné de bien pires. Toutes mes joies, tous mes drames sont d'Italie. Je viens d'une terre où la beauté est toujours aux abois. Qu'elle s'endorme cinq minutes, la laideur l'égorgera sans pitié. Les génies naissent ici comme de mauvaises herbes. On chante comme on tue, on dessine comme on trompe, on fait pisser les chien sur les murs des églises. Ce n'est pas pour rien qu'un italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l'intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l'autre a bâti, et l'émotion est la même.
L'Italie, royaume de marbre et d'ordures. Mon pays. »
Calaciura magnifie Palerme et ses enfants, victimes expiatoires grandies trop vite et livrées à elles-mêmes, dans ce sublime roman aux accents baroques. Réel et imaginaire s'y entrelacent subtilement en dénonçant l'enlisement et l'aveuglement d'une société sclérosée, paralysée par les traditions et les croyances séculaires. Humour et tendresse confèrent un soupçon de légèreté au tragique dans ce texte au réalisme brut et à la beauté sombre.
Portraits sensibles et attachants d'une lignée de médecins juifs confrontés au tragique de l'histoire, mais tous animés par un amour profond de leur métier. Un bel hommage à l'exercice de la médecine.
Auréolé de mystère, un roman d'atmosphère passionnant au coeur d'une société rongée par le puritanisme et la soi-disant bien-pensance. Original et captivant.
Inspiré du naufrage du Torm Lotte, ce récit d'une catastrophe maritime et migratoire est un superbe hommage à ces hommes et ces femmes qui, pour des raisons aussi diverses que dramatiques, quittent leur pays d'origine dans l'espoir d'un avenir meilleur. A travers le parcours de 3 femmes de rang, de confession et de pays différents, Louis-Philippe Dalembert dénonce avec force le commerce migratoire et l'exploitation de l'homme par l'homme. Un roman profondément humaniste.
L'écriture en deuil de Philippe Forest magnifie ce texte lumineux, puissant à la lisière de l'essai. Derrière la cohabitation constante avec les spectres des êtres aimés disparus, on ressent une profonde mélancolie des lieux et un questionnement incessant sur la destinée.
A travers ce bel hommage à Neruda, Skarmeta fait revivre avec force les années noires de l'histoire chilienne. Sous sa plume poétique, drôle et sensuelle, les liens intenses d'amour et d'amitié se tissent, révélant toute l'humanité de ce petit bijou.
Ce n'est pas le suspense levé dès les premières pages qui rend ce roman si magnétique, mais plutôt cette histoire de rencontre improbable portée par une trame romanesque très habilement construite. Déroutant, troublant, enivrant, addictif, charnel, ce roman ne laisse pas différent. Au-delà de la relation passionnelle évoquée, la puissance évocatrice des émotions est étonnante. Infiniment riche, il renvoit à de multiples interrogations sur la liberté et le pouvoir notamment.
Terreau fertile de ses origines, le Cantal inspire à nouveau Marie-Hélène Lafon dans ce roman généalogique où elle excelle à croquer par le menu portraits et destins. Merveilleuse observatrice des corps et des âmes dans lesquels elle se fond pour mieux les façonner, elle signe un texte à la résonance puissante sur l'empreinte, la présence de l'absence, les racines, le poids des origines et des secrets.
Un classique de la littérature italienne à lire ou relire pour sa beauté à couper le souffle. Un récit sobre, épuré et poétique dont l'écriture n'est pas sans rappeler Silvio d'Arzo, Mario Rigoni Stern et leur contemporain Erri de Luca.
Qu'il soit tendre ou corrosif, l'humour de Carole Fives est irrésistible dans ce portrait sans concession d'une mère au caractère bien trempé. Un texte qui sonne incroyablement juste et rappelle à la fois avec légèreté et gravité combien les relations mère-fille peuvent être complexes.
Après avoir consacré sa thèse à Séraphine Louis, Françoise Cloarec livre ici une biographie intimiste passionnante et essentielle pour découvrir la personnalité et l'univers pictural singulier de cette artiste hors norme.
Un pastiche abracadabrantesque de roman d'espionnage truffé de digressions plus drôles et inventives les unes que les autres. Echenoz crée un univers qui n'est pas sans rappeler OSS117 et San Antonio dans une langue plus châtiée.